Or, il semble que certaines failles existent. À l’âge de 17 ans, Céphise ne vit en effet que pour se venger. Depuis qu’on l’a amputée d’une partie d’elle-même et privée de sa famille, elle ne rêve plus que d’une chose : s’affranchir de la tyrannie du tout-puissant Orion, Dieu parmi les dieux. Et contre toute attente, il se pourrait qu’elle ne soit pas seule…
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« La situation m’apparut dans toute son horreur et je crus étouffer alors que le désespoir le plus noir s’abattait lourdement sur moi. J’aurais voulu courir vers eux. Mourir avec eux… »
L’introduction, qui n’est autre qu’un flash du passé de Céphise, notre personnage principal, nous plonge directement dans le bain et nous donne déjà les clefs pour comprendre l’univers dans lequel nous venons de mettre les pieds : sombre, intransigeant et dangereux ! Et puisque nous sommes déjà informés par la quatrième de couverture que notre héroïne n’a plus grand chose à perdre dans la vie, l’auteure fait directement la lumière sur les évènements qui ont conduit Céphise à devenir ce qu’elle est aujourd’hui : une paria, une solitaire et surtout, une rapiécée (comprendre, une personne amputée d’un ou plusieurs membres qu’on a remplacé par des membres métalliques) et qui sonne comme une insulte dans le monde dans lequel elle évolue.
« — L’Ombre, je te maudis, tu m’entends ?! […] Je te maudis, sombre créature indigne de ton espèce ! »
Si nous démarrons la lecture avec la haine au corps pour les injustices déjà trop nombreuses vécues par Céphise, le ton se radoucit par moment pour laisser entrevoir l’amitié, et pourquoi pas l’amour que les personnages pourraient partager. En effet, Céphise n’est pas complètement seule et peut compter sur le soutien de son meilleur ami, Halfdan, ainsi que sur le père de ce dernier, Lothaire. Éprouvés mais solidaires, tous ces personnages vont évoluer au fur et à mesure et dévoiler leurs rôles respectifs dans la révolte qui gronde dans le royaume de Cendrelune.
« L’amitié d’Halfdan m’avait toujours été extrêmement précieuse – voire parfois salutaire – mais ce matin, une chose plus profonde encore nous liait. Un secret inavouable et terriblement dangereux, qui me faisait me sentir bien moins seule tout à coup… »
La forme polyphonique du roman nous permet de visiter différents endroits, entre les rues sombres du royaume et le palais des Dieux, appelée la Cathédrale, puisque Céphise laisse parfois la place à Lorien, un jeune orphelin, à Proserpine, une étrange prisonnières d’Orion, et plus souvent à Verlaine, un hybride un peu revêche. Alors que les tréfonds de Cendrelune semblent plonger dans la noirceur, quand la Cathédrale brille de milles feux, les personnages qui y évoluent sont l’exact opposé de leur environnement ! Lorsque Verlaine nous montre son côté le plus sombre, Céphise représente l’espoir d’un monde différent. Mais rien n’est tout blanc ou tout noir, n’est-ce pas ? De fait, Les Brumes de Cendrelune nous amène à réfléchir sur la différence entre la personnalité de quelqu’un et ce que son rôle dans la société nous dit de lui, sur la différence finalement entre l’être et le paraitre. Ainsi, les ennemies pourraient bien devenir des alliés, quant bien même Céphise refuserait de voir la bonté d’âme sous les couches pernicieuses de l’Ombre.
« Alors elle abandonna le combat contre elle-même pour ne rien montrer de ses souffrances et se mit à pleurer de plus en plus frénétiquement. La colère que j’avais ressentie la veille n’était rien, aucune des émotions que j’avais éprouvées jusqu’à maintenant n’était rien à côté du torrent de rage qui se déchaîna en moi. »
J’étais ravie finalement que Céphise ne tombe pas facilement dans le pardon et que cette étrange rencontre ne viennent pas rapidement tout bouleverser. Je suis d’autant plus surprise que je me suis laissée aller à espérer qu’elle lâche du leste avant de me dire que c’aurait été beaucoup trop facile. La romance ici ne saurait être le sujet principal, d’abord parce que ce tome sonne comme une introduction, ensuite parce que la minutie avec laquelle Georgia Caldera nous peint son univers et distille les détails pour nourrir notre soif d’en savoir plus, est bien trop génial pour n’être que l’enrobage d’une simple histoire d’amour.
« Sur le moment, je songeai bien involontairement qu’elle était probablement la plus belle chose que j’avais jamais contemplée… »
La destinée des personnages, que l’on devine liés par une magie que l’on ne comprend pas encore, nous réserve une belle épopée que j’ai hâte de creuser dans le tome 2, qui, si je ne dis pas de bêtises, devrait sortir au mois de mars 2020 !
Rétroliens/Pings