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Des années de questions, d’attente, d’angoisse, de douleurs, de pleurs, d’indifférence, de changements, de remises en question, d’inquiétude, de souffrance et un jour, on tombe sur la bonne personne, celle qui nous montre la bonne direction, et qui, ce faisant, nous met sur le chemin, non pas de la guérison, mais de la compréhension, des réponses et de la prise de conscience.

J’ai longtemps douté de toute cette histoire, et pourtant j’en suis le personnage principal. Je ne comprenais jamais pourquoi je me roulais en boule, terrassée par la douleur, quand mes amies survolaient cette période du mois avec calme et douceur. Je ne comprenais pas pourquoi je faisais des malaises et attendait, le visage baigné de larmes et les cuisses baignées de sang, que le mal me laisse tranquille quand tout le monde autour semblait vivre tout cela dans la sérénité.

Alors j’ai gardé ça pour moi et j’ai caché au plus profond de mon être tout ce que je ressentais, pour être « comme tout le monde ». Ensuite, la contraception a maquillé la douleur, me faisant miroiter un avenir tout aussi serein que mes congénères. Des règles normales, un flux moyen, de simples crampes, rien qui ne puisse m’empêcher de vivre ma vie de jeune adulte. Rien qui ne puisse laisser entrevoir le monstre qui s’installe tranquillement à l’intérieur.

Mais un jour, la vie change, la contraception aussi. La pilule fait place au stérilet, attendu comme le messie pour sa simplicité, son efficacité et sa neutralité hormonale. Une aubaine ! La joie est de courte durée. Petit à petit, les douleurs reviennent. D’abord, elles font croire qu’elles sont le symbole d’un cycle sain retrouvé, jusqu’au jour de la rechute. Un malaise. Une crise de douleur d’un niveau jamais atteint. Et les urgences gynécologiques. Premier kyste ovarien rompu.

Ok. À ce moment là, encore, on imagine que c’est un évènement isolé. Il faut dire que le médecin est avare en explications alors même qu’il balade son échographe à l’intérieur de ton vagin. Soit. On repart avec une ordonnance d’antidouleurs et un ventre de femme enceinte d’environ quatre mois.

À partir de là, c’est la descente aux enfers. On subit une crise tous les trois mois, puis une tous les mois jusqu’à en être victime plusieurs fois par cycle. Au début, on cherche le lien avec les règles (celles qui sont normalement douloureuses, il parait). On en parle dans les urgences gynécologiques qui nous prennent en charge à plusieurs reprises. On en parle à son gynécologue. On en parle à son médecin traitant, qui affiche fièrement son DU de gynécologie sur sa page Doctolib’. On en parle mais personne n’écoute vraiment. On repart chez nous avec toujours le même diagnostique : « On ne voit rien, tout est normal ».

Mais on le sent nous ! Sur une échelle de 1 à 10, au plus fort de la crise, on lui met la note de 14 ! On ne peut pas avoir mal à ce point, et ne rien avoir. On ne peut pas se tordre de douleur de jour comme de nuit, hurler et pleurer, espérer mourir, être bloqué dans un corps qui ne répond plus sans aucune explication. Malgré tout, on se tait parce que cette indifférence générale nous refuse toute légitimité. Ok, nos règles sont peut-être un poil plus douloureuses que la moyenne mais pas de quoi en faire un flan non plus. On nous parle appendicite, on nous parle torsion ovarienne, on nous parle SOPK mais cela ne va jamais plus loin qu’un « cela pourrait être ». Comment savoir sans examiner ? Alors, on se mure donc dans un silence poli, celui que la femme d’aujourd’hui à bien du mal à tenir. Et puis parfois, on entend quelques murmures. D’autres femmes qui souffrent et qui n’en peuvent plus de se taire. Des femmes qui trouvent une oreille attentive, des femmes qui se lient pour devenir plus fortes. Les murmures se transforment en clameur et enfin la lumière se fait.

Mais, formaté par des années de « c’est normal d’avoir mal », on ne se permet toujours pas d’ouvrir la bouche. On regarde avec envie celles qui ont eu la chance de mettre des mots sur leur mal. Et puis un jour, au détour d’une conversation, on entend une histoire qui fait réellement écho à la notre. On s’interroge, on réunit tout notre courage et on parle. On demande. On partage notre histoire. Et cette histoire a finalement un nom, l’endométriose.

C’est presque jolie comme nom pour une maladie qui fait autant de dégâts qu’on ne voit pas.

Edit :

J’ai écrit ce texte il y a presque un an, lorsque j’ai commencé la phase de diagnostique de mon endométriose. C’était à la fois un moment d’espoir, mais aussi une énorme source d’angoisse que j’avais du mal à gérer. J’ai eu besoin d’écrire sur mon expérience, même si je ne raconte pas grand chose de concret, cela m’a permis de faire le point aussi sur mon état mental à ce moment précis.

Je tiens à vous partager, pour finir, quelques articles/livres qui m’ont aidé lorsque j’ai commencé à mettre le doigt dans cet engrenage complexe qu’est l’endométriose.


Tribune : atteinte d’endométriose comme une femme sur dix, elle témoigne. 
Endométriose, le mal invisible
Qu’est-ce que l’endométriose ?

Endométriose, la maladie taboue de Marie-Anne Mormina (préface du Dr Chrysoula Zachatopoulou (éd. Marabout)

(Liste, bien évidemment, non exhaustive.)

Marie

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